Covid-19 tout est annulé sauf le printemps C’est avec ce […]
Covid-19
tout est annulé
sauf le printemps
C’est avec ce haïku que le poète Vincent Hoarau, administrateur de la page Facebook « Un haïku par jour », qui compte 2 700 membres, a accueilli la nouvelle d’une bascule du pays au stade 3 de la pandémie.
Trois lignes. Dix-sept syllabes maximum. La marque d’une saison. La saisie d’un instant fugace et majeur… Ce haïku répond en tous points aux codes classiques du genre. Mais, s’adaptant au combat du jour, il touche nos cœurs brûlants d’actualité.
En France, la poésie a toujours été associée à une forme de résistance. Résistance à l’idéal courtois ou à la bourgeoisie (François Villon), résistance à la norme (Rimbaud), résistance à l’ennemi (Eluard, Aragon) Au point que beaucoup, dans le grand public, retiennent davantage l’engagement politique et moral de ces immenses artistes que leurs pages inspirées. Gageons que le Printemps des poètes, cette année consacré au « Courage », reviendra une nouvelle fois largement sur cette spécificité française : « Plus de politique, moins de poétique ».
Du haïku, petit poème d’inspiration japonaise si peu connu ici, on a souvent une image inverse : cette forme brève, ancrée sur les cycles des saisons, apparaît à beaucoup comme très détachée des affaires sociales. Floraison des cerisiers, beauté de la neige ou des pétales qui s’envolent dans le ciel… Qu’auraient donc les poètes haïkistes à dire des épreuves collectives, guerres ou catastrophes naturelles, eux qui ne disposent que de 17 syllabes (le haïku, rappelons-le, est le plus petit poème codifié au monde) pour se battre ?
Cette idée reçue est fausse. Au Japon, le « haïku writing » est éminemment démocratique. Chacun, dans les écoles, les entreprises, les universités, ou des clubs de poésie, s’y adonne pour exprimer ce qu’il vit et ce qu’il voit de l’état du monde. Ainsi les journaux quotidiens reçoivent autour de 7 000 haïkus par an, écrits par des concitoyens avides de transmettre leurs ressentis et de participer ainsi à « la vie de la Cité ». Fukushima, les typhons, le dérèglement climatique… Les Japonais n’hésitent pas à écrire et diffuser autant que possible leurs mini-poèmes de protestation, de chagrin ou de résilience [1].
En France aussi, aux Etats-Unis ou au Maghreb, des haïkistes contemporains s’arment de leurs poèmes brefs pour rendre compte de ce qui se passe dans le monde, « leur » monde, et le partager entre eux. Sur des pages Facebook dédiées, comme « Un haïku par jour » ou « le Coucou du haïku », ces poètes racontent à leur façon la crise du coronavirus, telle qu’elle est vécue en Bretagne, à Paris, ou ailleurs.
Ici, je souhaite rendre compte à l’œuvre de ces poètes clandestins, en faisant un choix parmi les centaines de haïkus composés en quelques jours, entre le 12 et le 15 mars : le passage au stade 3 de l’épidémie de coronavirus.